« I have left my heart in so many places. »
On a beau prévoir un itinéraire précis, savoir où l’on va, rester pour un temps prédéfini, on est sûr de rien car il nous est impossible de prédire qui nous rencontrerons sur la route.
Les gens que l’on rencontre sur la route viennent remplacer temporairement nos amis, notre famille, notre entourage. Mais tout le problème vient du fait que c’est bel et bien temporaire. On ne fait que les croiser, échanger quelques conversations du bout du monde, partager quelques moments, on se découvre, puis on reprend chacun des routes différentes. Mais pourquoi ces inconnus prennent-ils tant de place et aussi vite ?
Les rencontres sur la route
En voyage, tout s’accélère, tout est décuplé, tout est vécu à fond et pour la première fois. Aucune question ne vient tourmenter notre esprit, on ne réfléchit pas, on fonce à la découverte des autres et de soi. Ces rencontres là font le charme, mais aussi la magie de votre voyage. Vous vivez des moments qui cassent complètement votre quotidien, c’est comme si vous aviez perdu la notion de la vie quotidienne. Et vous l’avez perdue. Vous voulez partager avec les autres, les comprendre, découvrir encore et toujours plus ! Vous êtes insatiables.
Le rapport homme/femme n’est également plus le même. Que ce soit l’un comme l’autre, personne ne se questionne, hésite à faire le premier pas ou craint une réaction hostile. On y va, simplement. Parce qu’une femme en voyage n’a pas dans l’optique qu’un homme vienne lui adresser la parole pour tenter de la séduire, mais plutôt pour partager un bout de conversation, tranquillement. Et ces rapports là, sans appréhension ni gêne, sont les plus simples et finalement les plus sains.
Les amitiés qui se créent sont dénuées de tout artifice puisque vous n’avez aucune raison de vous montrer tel que vous n’êtes pas réellement. En voyage, il n’est pas nécessaire de faire attention à votre présentation, à votre image. On est tous là, avec notre polaire qui empeste la poussière, on est tous les mêmes, avec nos peurs et nos envies diverses. Nous sommes humains, tout simplement. Il n’y a qu’en voyage que je le réalise pleinement.
Je n’ai jamais revu quelqu’un croisé sur la route. On se promet de s’écrire, de se revoir, de s’inviter, mais l’on sait pertinemment que rien de tout cela n’arrivera. La plupart des gens que j’ai rencontré en voyage n’avait ni maison, ni famille. Ils arpentaient les routes depuis des semaines, des mois, voire des années. Je savais qu’en les quittant, je ne les reverrais jamais. C’est peut-être ce qui force à profiter un maximum d’eux, à ne pas s’ennuyer ne serait-ce qu’une seule seconde, à tout vivre plus vite que de coutume. Et c’est sans aucun doute ce qui fait que le départ est aussi douloureux. On ne cherche plus à se protéger, alors quand vient le moment de se dire au revoir, on subit le départ.
Peut-être est-ce mieux de ne jamais revoir ces gens rencontrés sur la route. Sûrement que le quotidien viendrait casser le rythme que vous avez connu en voyage. Et la personne que l’on est dans la vie n’est pas réellement la même que celle en voyage. Je la vois plus amère, plus inquiète. Elle se pose des questions, s’interroge sur l’avenir et même le voyageur que vous êtes, de retour à la réalité, ne peut y échapper.
Parfois, je repense à des souvenirs que j’ai partagés avec des gens sur la route, et ces souvenirs me font plus mal que les autres car malgré leur beauté, je n’ai désormais plus personne avec qui partager cette bride de vie. Les gens sur la route nous font mal car ils ne laissent derrière eux qu’un souvenir qui s’éloigne, comme eux, peu à peu.
Cet article me touche tout particulièrement et j’ai d’ailleurs beaucoup de mal à le rédiger en essayant de transmettre réellement ce que je ressens. Des gens rencontrés sur la route, il y en a eu des tas. Certains sont restés quelques heures, d’autres quelques semaines, mais pour chacun de ces visages, un nom me revient instantanément. Je n’en ai oublié aucun. Qu’importe le temps que j’ai passé avec chacun de ces nomades, ils ont partagé avec moi les plus beaux et les plus forts instants de ma vie. C’est comme si on s’était toujours connus, que l’on s’était toujours compris.
Les gens rencontrés sur la route sont l’une de mes plus fortes expériences humaines. Ils m’ont appris des choses que les livres où les études ne pourront jamais m’enseigner. Une confiance mutuelle s’est toujours instaurée entre nous, dès la première seconde. Il n’y a plus de méfiance, plus de jugement, plus de questionnement. Avec eux, tout est limpide, si spontané et si authentique. On ne triche pas avec les gens rencontrés sur la route.
J’ai été pendant longtemps d’une timidité maladive, celle qui vous empêcherait presque de demander une baguette à la boulangère. J’avais peur, j’ignore de quoi, mais j’angoissais à l’idée de lier une conversation avec un inconnu. Au fil des années, cette peur s’est envolée et a laissé place à un désir immense de rencontrer sans cesse de nouvelles personnes, de les connaître, de les découvrir toujours un peu plus. Le voyage a été pour moi la meilleure des thérapies.
Ne craignez jamais de vous retrouver seul en voyage, car cela n’arrivera pas. Il y aura toujours quelqu’un pour vous offrir un bout de canapé, un bon petit plat chaud ou tout simplement une étreinte, un peu de chaleur humaine. Ne pensez jamais être seul, ne vous abattez pas et regardez combien les gens sont bons. N’ayez jamais à l’esprit que les autres n’en valent pas la peine. N’importe quelle personne sur cette planète saura vous rendre votre sourire.
Cet article, il est pour vous, mais il est aussi pour eux, Gonzalo, Mickeal, Alicia, Aymeric, Laëtitia, Sebastian, Stefano, Bruno, Pedro, Patch, Daniel et tous les autres croisés sur mon chemin. Sans oublier Lisa, croisée sur la route en 2008 et avec qui je n’ai cessé de voyager depuis.