Comment débuter un tel article ? Sans doute par une citation : « Voyager c’est aussi découvrir de nouveaux horizons à travers soi et les autres. »
Celles et ceux qui ont déjà passé quelques années à bourlinguer à travers le monde, sur route, sur mer, dans les montagnes ou même avec des animaux vous le diront, les expériences vécues en voyage sont parmi les plus enrichissantes. Le voyage est l’une des plus belles écoles puisque c’est l’école de la vie, celle qu’on a choisi (tout du moins en partie). En voyageant à long terme, on se forme, on se découvre, on s’élève même parfois, bref on devient autodidacte en quelque sorte. Je ne me considère pas spécialement comme un voyageur aguerri ou expérimenté, notamment quand je rencontre des baroudeurs qui ont déjà passé la soixantaine et qui m’affirment qu’ils en apprennent encore tous les jours. Néanmoins il y a une chose dont je suis sûr : à chaque retour de voyage je me suis senti plus confiant, plus endurci aussi, plus apte à affronter les écueils de la vie en somme.
VOYAGER, C’EST GRANDIR
On apprend à recentrer sur les choses importantes de la vie, on se découvre de nouvelles aptitudes. La patience, par exemple, est une vertu qu’il faut savoir mettre à profit lorsqu’on part sillonner un pays voire un continent plusieurs mois d’affilée. Parfois on doit attendre un train qui n’arrive jamais, encaisser des trajets de plus de 24h dans des bus locaux ou tout simplement attendre une correspondance dans un aéroport à regarder la trotteuse gigoter sur le cadran. Je me souviens de mes premières expériences en bus au Pérou ; au début j’appréhendais les 10h de trajet pour relier Lima à Huancayo au pied de la cordillère des Andes, entre les précipices abrupts où s’entassent des carcasses de bus au fond du ravin, les routes détrempées par les pluies diluviennes et la vitesse relativement élevée du chauffeur sur des routes de montagne tortueuses, croyez-moi je ne faisais pas le fier. Je pensais même que j’allais y laisser ma peau, j’ai donc passé les deux premières heures le nez collé à la vitre à scruter le bord de la route (que je ne voyais au final presque jamais) en imaginant le bus quitter la piste. Bref rien de bien constructif, j’ai finalement accepté le fait que j’allais peut-être passer mes derniers moments dans ce bus brinquebalant, bondé d’hommes et d’animaux, ma vie entre les mains d’un homme que je ne connais même pas.
Le voyage comporte une part de risque qu’il faut savoir accepter, on ouvre son esprit à des situations qui nous échappent totalement dans les pays occidentaux. Confiné dans un milieu sécuritaire, on se retrouve brutalement confronté à des inconnues dans l’équation, des inconnues qui peuvent somme toute nous faire perdre la vie. Je ne considère pas les prises de risque volontaires comme quelque chose de bien malin mais il est parfois bon de se sentir en danger pour réaliser que les petits problèmes du quotidien sont en réalité sans grande importance.
Voyager est un moteur à l’âme, cela permet de prendre du recul, de se recentrer sur ses objectifs de vie, de relativiser quant à notre place dans le monde.
Le choc des cultures, parfois agaçant ou parfois enivrant, nous permet tantôt d’appréhender certaines de nos limites et tantôt d’explorer certaines de nos capacités. A commencer par les langues, quoi de plus utile en voyage que de pratiquer la langue locale, ou au moins d’avoir quelques mots de vocabulaire en réserve. Je me souviens de mes cours de langue au lycée, un vrai calvaire, mais je me suis découvert de véritables atouts dans la maîtrise et l’apprentissage des langues au travers de mes voyages. Ma curiosité et mon manque de compréhension des cultures rencontrées m’ont réellement poussé à apprendre l’espagnol en Amérique du sud, puis l’anglais en Asie. C’est toujours bon d’avoir plusieurs cordes à son arc, que ce soit sur le plan professionnel autant que personnel. Il m’est arrivé de travailler dans des agences de randonnées possédant des prestataires en Espagne, dès lors mon voyage m’a été plus que bénéfique. Le fait de parler d’autres langues a représenté une valeur ajoutée sur mon CV donc autant utiliser ses capacités à bon escient.
Il faut savoir tirer sa force des situations les plus contraignantes. Se retrouver dans une contrée inconnue, sans compatriote et sans repères parfois, nous oblige à nous adapter pour évoluer plus confortablement dans ce nouvel univers. On se sent toujours grandis après des expériences qui à priori paraissaient difficilement surmontables, on se rend compte que la solution au problème se trouve souvent en nous. Les moments de doute, aussi naturels soient-ils ne doivent pas supplanter les possibilités engendrées par nos facultés d’adaptation.
Quel bonheur de découvrir les horizons qui s’offrent à nous simplement en déverrouillant la barrière du langage. Les échanges deviennent vraiment constructifs, on peut alors observer le fossé entre l’autochtone et l’étranger se rétrécir au fur et à mesure. Partager des rites quotidiens avec les populations locales est toujours une expérience… surprenante ! Traire une bufflonne au fin fond de la jungle népalaise en regardant le soleil se lever, planter du riz dans les montagnes Laotiennes sous la pluie rugissante de la moisson ou partir pêcher en mer dans les eaux tropicales d’une île vietnamienne, tous ces souvenirs nous ont marqué pour des raisons bien précises. Ils nous donnent le goût d’une vie différente et pourtant bien réelle. Travailler la terre de ses mains et manger le fruit de ses récoltes est un bonheur qui ne s’explique pas. Ces moments éphémères qui nous laissent un sourire gravé sur le visage valent de l’or, il faut savoir les apprécier comme ils viennent.
Ces moments éphémères qui nous laissent un sourire gravé sur le visage valent de l’or, il faut savoir les apprécier comme ils viennent.
Vivre l’instant présent est une telle source de sérénité lorsqu’on est prêt à larguer les amarres. Et ces 6 mois passés au Népal m’auront beaucoup ouvert les yeux. Que dire de la culture népalaise si ce n’est quelle rayonne par son enthousiasme, par sa douceur et par son accueil. Ce pays a représenté un virage considérable dans ma vie et je suppose que le courant spirituel qui se dégage de cette partie du monde ne laisse personne de marbre. Je suis parti marcher à plusieurs reprises dans l’Himalaya, m’extasier devant des paysages millénaires où la jungle dense et vivante laisse ensuite place à des pics acérés de plusieurs kilomètres de haut. On se laisse bercer par le rythme de vie qui opère à cette altitude ; levés avec le soleil et couchés parfois avant lui suivant les distances parcourues durant la journée.
On se retrouve alors à manger un Dal Bhat (Plat national à base de riz et d’une soupe de lentilles) dans une famille népalaise au milieu des montagnes sans électricité et sans vie apparente à des kilomètres à la ronde. Cette manière d’aborder la vie nous ôte très vite tous les petits soucis du quotidien et à mesure de la progression on ne pense plus qu’à la prochaine enjambée, au prochain village, à la prochaine halte ou au prochain repas en salivant d’avance. La fatigue des dernières heures de Trekking laisse vite place à des moments de pure contemplation où la voie lactée se laisse entrevoir dans ses grandes largeurs, on se laisse aspirer par l’immensité de l’univers. On n’imagine pas pouvoir observer les étoiles aussi bien dans nos latitudes occidentales, car la pollution visuelle y est beaucoup trop importante. Les montagnes sont des entités qui inspirent l’humilité, on ne représente rien d’autre qu’un point minuscule quand celles-ci sont visibles depuis le ciel. On se sent minuscules et respectueux de pouvoir les escalader sans encombres, les locaux l’on bien comprit ; il faut savoir respecter les forces de la Nature.
Le Népal m’a donné ces moments de contemplation extatique que je n’ai pu retrouver ensuite. Je me suis également laissé porter par la bonté du bouddhisme, car elle est à toute épreuve dans ces terres lointaines. Plus on se rapproche des portes du Tibet, plus on se sent nappé d’un halo de bienfaisance. La chaleur humaine y est presque une question de survie, on n’imaginerait pas laisser quelqu’un dormir dehors dans un environnement si hostile. Du coup on se retrouve assez vite dans la maison d’une famille tibétaine qui a traversé la frontière, à préparer le feu pour la nuit et à jouer avec les enfants intrigués par nos visages blancs comme la neige. C’est de ce partage là dont je parlais quelques lignes plus haut ; la simplicité d’un repas tous ensembles, les sourires illuminés par le feu du poêle tentant de communiquer tant bien que mal malgré la barrière du langage, les montagnes himalayennes nous encerclant dehors et la lune dardant ses rayons sur les neiges éternelles. Le sentiment qui nous traverse dans ces instants de découverte est à la limite du descriptible.
Je me souviens d’une de ces émotions, aussi fugaces soient-elles, je la sens encore tournoyer dans ma tête : Qu’il est bon de se sentir vivant ici et maintenant…
Bienvenue à Romain dans l’Equipe de Votre Tour du Monde.