Mayotte est un petit bout de France que peu de Français connaissent. Perdue entre Madagascar et le continent africain, cette destination a pourtant beaucoup de paysages et rencontres magnifiques à offrir. C’est ce que nous montre Marine dans cette interview où elle décrit son quotidien là-bas 🙂
Vivre à Mayotte
Bonjour, peux-tu te présenter ?
Salut Bruno ! Et bien je m’appelle Marine, j’ai 25 ans et je suis originaire de la région Centre. J’ai fait mes cinq ans d’études dans la ville de Tours pour devenir sage-femme. En quatrième année, j’ai eu la chance d’effectuer un stage dans une maternité au Vietnam à Hô Chi Minh ville. Après avoir travaillé deux ans en Bourgogne et avoir passé mon diplôme d’échographiste, mon mari et moi avons décidé de tout quitter et de nous installer un an à Mayotte.
Pourquoi es-tu partie à Mayotte ?
Plusieurs amis sages-femmes vivaient déjà sur l’île et nous ont convaincus facilement. Nous mourions d’envie de faire autre chose pendant un an : vivre au soleil, passer nos jours de repos sur le lagon, découvrir une autre culture, s’enrichir professionnellement.
Et voyager ! La proximité de Mayotte avec le continent africain, Madagascar, La Réunion ouvre de nombreuses possibilités (même si les billets d’avion sont assez chers…).
Est-ce qu’il y avait des préparatifs particuliers à faire?
Pas de préparatifs particuliers si l’on souhaite rester uniquement à Mayotte. Nous avons juste complété nos vaccinations (hépatite A, typhoïde…) pour nos voyages depuis Mayotte vers des destinations plus à risque.
As-tu vécu un choc culturel important ?
Oui et non. Comme dit plus haut, nos amis présents sur l’île nous avaient déjà informés par leurs récits, leurs photos etc…
Mais Mayotte étant un département français, j’avais pensé qu’elle serait plus occidentalisée. En réalité, c’est un petit morceau d’Afrique avec des touches de métropole. La culture locale est très présente : la religion, les fêtes, les tenues vestimentaires (la majorité des femmes portent le salouva), le langage (beaucoup de locaux immigrés ne parlent pas le français)…
Les inégalités sont très importantes : beaucoup d’étrangers arrivés à Mayotte vivent dans des abris de fortune, sans eau ni électricité.
J’ai également été surprise par le nombre d’enfants présents sur l’île : selon l’Insee, 1 Mahorais sur 2 a moins de 17 ans. Les arrêts de bus le matin avant l’école sont un véritable spectacle.
Qu’est-ce qui te plait le plus dans ta nouvelle vie ?
Le cadre de vie, la vue du lagon depuis mon balcon, les amis et le travail. Plus de routine. Les gens sont souriants, la bonne humeur règne malgré les difficultés de bons nombres d’habitants.
Les jours de congés sont partagés entre les sorties bateaux, les plongées, les randonnées, les journées à la plage, les apéros… Pas de prise de tête, pas d’organisation, tout s’organise souvent à la dernière minute.
J’adore aussi recevoir des proches pour leurs vacances : on partage des moments assez inédits, je suis heureuse de leur faire découvrir ma vie ici.
Que ce soit pour mon conjoint (qui est éducateur) ou moi, nous avons la chance de pouvoir exercer nos métiers dans des conditions totalement inédites : c’est une expérience très enrichissante.
À l’inverse, qu’est-ce que tu n’apprécies pas trop ?
La pollution. L’île a d’énormes progrès à faire en matière de tri, de ramassage des déchets et d’éducation de la population… Résultats : les bennes débordent et les détritus sur le sol au bord des routes et sur certaines plages sont fréquents.
Les bouchons qui, comme sur de nombreuses îles, sont quotidiens.
Il y a aussi une insécurité liée aux pressions migratoires. La différence de richesse est importante, les vols sont fréquents. Certaines règles de sécurité sont à appliquer (on ne sort pas son Smartphone devant tout le monde, on évite les randos tout seul avec son beau reflex …).
Il y a-t-il eu des difficultés d’adaptation dans ta nouvelle vie ?
Sur le côté pratique, tout s’est bien déroulé : j’ai trouvé un travail avant de partir (dans le médical c’est super simple). Ils nous ont pris en charge et ont payés nos billets d’avion.
Nous avons donc rangé toute notre vie de métropole dans des cartons et confié notre chat pour l’année …
À l’arrivée, nos amis sont venus nous chercher et quelques jours plus tard on emménageait avec eux.
Tu as longuement habité en France métropolitaine… Alors, tu préfères vivre à Mayotte ou sur le continent ?
Difficile de répondre puisque les vies en métropole et à Mayotte sont totalement différentes. Le cadre de vie est vraiment exceptionnel. Je pense que pour plusieurs mois ou quelques années, Mayotte a vraiment de bons arguments. Mais à la longue, je pense que la famille et les amis en métropole nous manqueront trop. L’accès à la culture nous manque aussi (diversité au cinéma très limité, peu de concerts, pas de musée/d’exposition, peu événements en tout genre …).
Comment est le marché du travail là-bas ?
Ça dépend dans quelle branche tu exerces. Le chômage ici concerne plus de 27 % de la population (c’est le département français où il y a le plus de chômage).
En gros, débarquer à Mayotte sans aucune formation en poche va rendre difficile la tâche. Il est faisable de trouver un travail, mais cela sera plus difficile et avec un salaire très moyen.
Généralement, tu trouves du travail (bien voir très bien payé) assez facilement quand tu es dans (ma liste n’est pas exhaustive…) :
- le secteur médical (infirmière, sage-femme, médecin…)
- le secteur médico-social (assistante sociale, psychologue, éducateur…)
- le secteur éducatif (prof)
- tout ce qui concerne les administrations de la fonction publique (en préfecture par exemple),
- les postes à responsabilités (manager, directeur…)
Il y a également beaucoup de gendarmes qui viennent pour des missions de plusieurs mois.
Et le coût de la vie à Mayotte est-il très important?
Oui le coût de la vie est important puisque tout est importé. Il y a très peu de production locale. Faire ses courses revient donc cher. Bien sûr, si tu manges « local », ça reste plus abordable, mais toujours dans une fourchette de prix assez élevée.
Le prix des loyers équivaut à ceux des grandes villes. Pour donner une idée, le loyer de notre appartement est de 1100 euros, mais nous vivons à quatre (dont deux chambres inoccupées, réservées pour nos amis/familles en vacances).
La plupart des personnes qui viennent s’installer ici vivent en colocation. Il y a beaucoup d’annonces sur les panneaux d’affichage ou sur des groupes Facebook.
Concrètement, combien faut-il gagner pour avoir un bon confort de vie à Mayotte ?
Je dirais que pour un confort moyen, 2000 euros sont nécessaires si l’on veut vivre et faire quelques sorties.
Les températures ne sont pas trop extrêmes en été?
Pour le moment, j’ai surtout connu la saison sèche (soit 26°C en moyenne). Mais selon les dires, la saison humide (pendant l’hiver en métropole) se caractérise par une humidité et une chaleur importante (32° de moyenne et 85% d’humidité).
Le pire arrive …
Et les Mahorais, qu’en penses-tu ?
Les habitants sont très sympathiques. Que ce soit au sein de mon travail en maternité ou à l’extérieur, c’est toujours un grand plaisir de les côtoyer. Je prends beaucoup auto-stoppeurs (ou plutôt auto-stoppeuses) et c’est très souvent une belle rencontre. J’ai même été invitée chez l’une d’elles un jour.
Il faut quand même noter que les Mahorais ont la drague assez facile. Il ne faut pas s’offusquer, juste refuser poliment les demandes.
Penses-tu rester longtemps à Mayotte ?
Nous avons tous les deux signé des contrats d’un an. Ces contrats seront probablement renouvelables, mais je pense que l’on rentrera poursuivre notre vie en métropole. Rien à voir avec Mayotte, cela concerne plutôt nos projets personnels.
Quelle anecdote t’a le plus marquée pendant ton séjour à Mayotte ?
J’ai été invité chez une Mahoraise (suite à un trajet en stop), j’avais rendez-vous à 11h chez elle. En arrivant, j’ai été scotchée ! Ne sachant pas ce que j’aimais, elle m’avait préparé tout un ensemble de spécialités locales, un vrai buffet à volonté : poisson, samoussas, dinde pannée, riz, manioc, salade de mangue … J’ai passé l’après-midi avec elle à apprendre sur sa culture et surtout sur la cuisine. Je suis repartie avec une voiture chargée (reste du repas, noix de coco, mangue … ). Il n’y a pas de doute, les Mahorais savent recevoir.
Un dernier mot, un dernier conseil ?
L’idéal quand on vient habiter à Mayotte est d’avoir quelques économies en poche. Cela permet d’acheter quelques meubles et un véhicule qui est vraiment indispensable puisque les transports en commun sont inexistants (hormis les taxis).
L’avantage c’est que l’on est sûr de tout vendre en partant et donc de récupérer quasiment la somme investie : les meubles d’occasion se vendent très bien (parfois achetés directement pas les locataires suivants) et les véhicules aussi.
Ne pas hésiter et ne pas regarder tous les reportages sur Mayotte. L’île a effectivement des défauts, mais comme sur toutes les cartes postales il y a un revers … Ce petit bout de terre authentique vaut vraiment le coup.
Pour un séjour, le lagon vous enchantera. Amis plongeurs (ou juste en palmes/masque) ici c’est le paradis !
En plus la proximité avec d’autres îles peut permettre de faire un séjour double : Mayotte-La Réunion, Mayotte – Madagascar …
Alors, pourquoi encore hésiter ?
Merci à Marine pour ce beau témoignage sur ce département français méconnu 🙂 N’hésitez pas à lui poser vos questions en commentaire.